- hargne
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• déb. XVIe « dispute, chagrin »; d'un frq. °harmjan♦ Mauvaise humeur se traduisant par des propos acerbes, un comportement agressif, parfois méchant ou haineux. ⇒ colère. Attaquer, répliquer avec hargne. « La rudesse, la hargne et la criaillerie constituaient les formes normales de la communication familiale » (A. Ernaux). — Ténacité rageuse. Mettre de la hargne à vaincre.hargnen. f. Mauvaise humeur qui se manifeste par un comportement agressif. Répondre avec hargne.⇒HARGNE, subst. fém.A. — État ou mouvement de colère sourde où l'agressivité s'allie à l'acharnement. Ruminer sa hargne. Les équipes diverses de la hargne, de la grogne et de la rogne (DE GAULLE ds GILB. 1971) :• 1. Si près les uns des autres, nous passions notre temps en chicanes et en agaceries. Un malin toujours organisait quelque farce qui réveillait les colères et la hargne du voisin.GUÉHENNO, Journal homme 40 ans, 1934, p. 194.— Ténacité rageuse. Mettre de la hargne à (vaincre). Quant à moi, je suis chaque jour plus sensible au tragique de cette volonté solitaire et tendue [de De Gaulle] qui agit dans le silence de tout un peuple consentant. Mais quelle hargne chez les joueurs dont la partie a été interrompue! (MAURIAC, Nouv. Bloc-notes, 1961, p. 284).— En partic. [En parlant d'un animal] [L'ombre] se fondit dans la nuit plus épaisse et l'homme s'arrêta, angoissé par la solitude, par l'odeur des maisons sales et la hargne des chiens qui cherchaient leur nourriture dans les détritus de la rue molle de boue (AYMÉ, Rue sans nom, 1930, p. 7).B. — Au fig. et région. Tempête, bourrasque, averse avec vent :• 2. Avec mars, des froids terribles étaient revenus du nord, des hargnes de grésil, des nuits de gel où les grands arbres craquaient du pied jusqu'à la cime, dans l'air limpide et bleu, sous les feux verdissants des étoiles.GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 290.REM. 1. Hargner, verbe trans. Prononcer avec hargne. N'en parlons plus, hargna-t-il (LA VARENDE, Saint-Simon, 1955, p. 350). 2. Hargnerie, subst. fém. Attitude d'une personne hargneuse. Peut-être ne ramasserait-il pas les feuillets de ce discours dans sa main de cet air de suprême et dédaigneuse hargnerie (A. DAUDET, Rois en exil, 1879, p. 294). 3. Hargnosité, subst. fém., hapax. Le sinciput plaqué de hargnosités vagues Comme les floraisons lépreuses des vieux murs (RIMBAUD, Poés., 1871, p. 83).Prononc. : [
] init. aspirée. Étymol. et Hist. 1. XVe s. « dispute, querelle » (Mystère de la Passion, ms. Troyes ds GDF.); 2. 1899 « mauvaise humeur se manifestant par une attitude agressive, des paroles acerbes » (VOGÜÉ, Morts, p. 205). Déverbal de l'anc. verbe hergner « se plaindre, se lamenter » (1426 doc. ds DU CANGE, s.v. harnasche), lequel est issu de l'a.b.frq. harmjan « insulter » (FEW t. 16, p. 172a; cf. a.h. all. harmjan « insulter, tourmenter »), par la transformation du groupe -rmj- en -rnj- qui semble phonétique sans qu'on soit obligé d'avoir recours à l'infl. de hergne (v. hernie). Le verbe et le subst. disparaissent ensuite avant de se former à nouv. plus tard autour de l'adj. qui n'a subi aucune éclipse dep. le XIIe s. Hargne « dispute », très vivant au XVIe s. (v. HUG.; ce sens subsiste dans les dial. à côté de celui d'« averse », v. FEW t. 16, p. 171a), disparaît une nouvelle fois (cf. J.-J. Rousseau qui ne connaît que hargnerie « querelle hargneuse », av. 1778, v. S. MERCIER, Néol., t. 1, p. 316) pour ne reprendre vie qu'au début du XXe siècle. Bbg. SAIN. Sources t. 1 1972 [1925], p. 112.
hargne ['aʀɲ] n. f.ÉTYM. Déb. XVIe, « dispute, chagrin »; herne « désagrément », v. 1265; déverbal de l'anc. v. hergner « quereller », d'un francique harmjan, supposé d'après l'anc. haut all. harmjan « insulter, tourmenter » ou (P. Guiraud) d'un gallo-roman hericiniare, du lat. hericinus « de hérisson » (→ Hérisser, hérisson), avec infl. possible de harer (→ Haret; 2. haler).❖1 (XIIIe-XVIe). Vx. Querelle.1 (…) de petites hargnes et querelles quotidianes (quotidiennes) et continuelles entre le mari et la femme (…)2 (1899, in T. L. F.). Mod. Mauvaise humeur se traduisant par des propos acerbes, un comportement agressif, parfois méchant ou haineux. ⇒ Agressivité, colère, grogne (fam.), rogne (fam.); → Enfoncer, cit. 46, Gide. || Attaquer, répliquer avec hargne. || Un homme vieilli, aigri, exagérant (cit. 9) sa hargne. || Une expression (cit. 38) de méchanceté amère, de hargne et de défi. || Avoir plus de timidité que de hargne (→ Froid, cit. 18). || Se libérer de sa hargne (→ Autel, cit. 20). || La hargne d'un adversaire. || Boxeurs qui se rendent les coups avec hargne.2 De sorte que Rebendart me semblait prêcher la haine, la hargne et l'amertume au nom des trois seuls élèves que je n'avais point connus, au nom de Pergaud, qui aimait chez les bêtes jusqu'aux blaireaux et aux martres sanguicruelles, de Clermont, qui aimait jusqu'aux âmes intraitables et aux cœurs homicides, de Péguy, qui aimait tout, exactement tout (…)Giraudoux, Bella, II.3 M. Élie, en effet, était mauvais, comme son père. Quand il voyait une affiche : « Vente par autorité de justice », cela lui faisait plaisir (…) Sa haine (à cet oisif !) pour les gens qui prenaient un congé (…) Il pinçait à la dérobée les enfants dans la cohue des grands magasins (…) Mais ce chevalier sans emploi n'usait du ton de dompteur que lorsqu'il pouvait le faire impunément (…) car sa hargne perpétuelle était combattue par la timidité, congénitale chez les Coëtquidan (…)Montherlant, les Célibataires, II.4 Tous ceux qui ont approché cette malheureuse Colet l'ont trouvée pareillement invivable, insupportable de vanité, de violence, d'aigreur et de hargne.Émile Henriot, Portraits de femmes, p. 355.♦ (Dans un contexte politique) :4.1 Chaque remous met en action les équipes diverses de la hargne, de la rogne et de la grogne.Ch. de Gaulle, Allocution, 12 juil. 1961 (il s'agit de l'opposition).♦ (En parlant d'un animal). || Chien qui aboie avec hargne.5 (…) il éprouvait, contre tout ce que Rachel aimait et qui lui était si étranger, la hargne d'un animal domestique contre tout ce qui rôde et menace la sécurité du logis.Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 43.❖DÉR. Hargneux.
Encyclopédie Universelle. 2012.